dernière maj: 23.12.2012

ASSOCIATION DES CAPITAINES AU LONG COURS et CAPITAINES de 1ère classe

 

UN PEU DE FOLKLORE...

UN PEU DE TRADITION...

UN PEU DE POÉSIE...

"Il y a trois sortes d'êtres: les vivants, les morts et les marins" (Anacharsis, philosophe scythe)

 

 

 

 

 

LES TROIS VOALIERS DU COMMANDANT LEROUX
OFFICIER DES EQUIPACHES DE MANOEUFFE (en retraite)

C'était en 1916 alors que je commandais un remorqueur de 600 qu'avait un nom de zoizeau : le POPAUTAME qu'y s'appelait. Toujours bien briqué, l'était joli comme à Brest.
Mon histoire commence au retour d'une 72 heures où j'avais envoyé avec moi au Pardon du Folgoët Madame LEROUX, mon aîné, quartier-maître fourrier et sa femme qu'était en attente. En montant la coupée, JOB me donne un message urgent qu'attendait depuis trois jours. JOB, c'était à bord comme qui dirait mon second, et qui tient sa place dans la suite comme vous verrez par vous-mém'. C'était un bled à moi dévoué et tout, mais qu'avait pas beaucoup fréquenté l'école et qui par surplus se laissait aller un peu sur le boire. Mêm' qu'un soir l'était rentré de terre bourré à zéro et s'était affalé d'un bloc sur le panneau de la cale avant. Après deux mois à l'hosto, l'était demeuré avec une jambe plus courte que les deux zottes, mais toujours solide au poste et hardi au travail.
Le message était ainsi titulé :

" COMMANDANT HIPPOPOTAME CONVOQUE LUNDI DIX HEURES A LA P.M. 3EME BUREAU "

A l'heure dite, capelé dans mon uniforme de sortie, j'me présente au Cap'taine qui rentre de suite dans le vif du sujet :

- Voilà LEROUX, y a une mission importante pour vous. Demain vous appareillez pour l'Angleterre chercher trois voiliers et les escorter jusqu'à Brest pour les protéger des sous-marins. Bonne chance.

De retour à bord, j'ordonne à JOB :

- Prépare tout pour l'appareillache et manque pas de faire le plein de pinard. (ça, j'avais ajouté pour rigoler, vu qu'ç'aurait pas été dans son tempérament de l'oublier).

- Où c'est-y qu'on va ? qu'y demande.

- T'occupe pas c'est secret. (Dame, je voulais pas qu'il risque d'aller trop causer dans un débit du plateau où y en a qui ont les oreilles longues et la langue rapide à marcher).

Au matin du jour après, sitôt la Mengam laissée par bâbord et pris le Four, en avant et en route, en gros cap au noroît.

Jusqu'à Portsmouth, rien à signaler, mais sitôt accosté -après une fine manoeuffe- c'est là que l'cirque a commencé. Avec JOB évidemment qu'était mon remplaçant réglementaire si je tombais faib' et le timonier, un Parisien qui avait de l'instruction, on se rend dans un HMS baraque où y avait à attendre un officier anglais avec de drôles de galons sur les manches et un tour de bitte -ROUTING qu'y s'appelait j'me souviens- et les trois commandants des trois voaliers. Après les salutations, le British nous a amenés devant un mur où qu'était une grande carte marquée Channel, mais que j'ai tout de suite reconnue pour la Manche.

Là y's'met à causer en promenant une baguette de point en point marqués de lettre majuscules. J'ai compris "à vue" que c'était les routes où il voulait qu'on passe pour éviter des supposés sous-marins qu'étaient avec des petits cabillots rouches. Le timonier qui écoutait d'un air supérieur traduisait, par-ci par-là, d'un mot de longues phrases, ce qui m'a fait douter de son savoir à interpréter si bien qu'il disait. Enfin, après avoir montré Brest au bout de sa gaffe, l'officier british demanda si on a bien compris. JOB, l'air éveillé d'une sortie de veille, me dit en faisant passer sa chique d'un bord à l'otte, en breton :

- J'ai rien beillesé, et toi ?

Je lui répond de même en breton :

- Te casses pas la tête mon pays, on passera ou on passera pas là où ce distingué veut. A la mer on se dé........ ousqu'y a du vent. Aller à Brest et faire gaffe aux sous-marins, c'est le fin mot.

Ensuite, je retourne vers les trois commandants des trois voaliers pour leur donner des instructions détaillées en français :

- Appareillache à midi. Cap sur Ouessant vent permettant et rester en groupe.

Dans l'aprés-midi, le convoa était formé ainsi ; quand y faisait du calme le remorqueur devant, avait du vent dans la cale, les voaliers derrière ; quand y avait bonne brise, les voaliers me regagnaient et j'étais à la traîne derrière, ce qui faisait que, l'un dans l'otte, on naviguait comme prévu de conserve.

Après la soupe et avant de gagner ma banette, je marque -comme c'est réglementaire- mes ordres pour la nuit sur le journal de bord : "Conserver bon cap et bonne vitesse. Faire de temps en temps des zigs et des zags pour tromper le sous-marin. Bien veiller les trois voaliers. En cas d'imprévu me prévenir."
A minuit, je monte pour la relèfe de quart et JOB me dit:

- Tout va bien : on a vu passer le sous-marin par bâbord

- Aussi quoa, Gast alors, pour quoi tu m'as pas prévenu ?

- Dame, qu'y m'dit l'air offusqué, le sous-marin, c'était prévu et t'avais marqué te réveiller seulement en cas d'imprévu.

J'avais un "pare à virer" qui me brûlait la main, mais j'ai pas voulu brusquer JOB et pour l'avenir j'ai complété mes ordres en ajoutant: "Me réveiller en cas de quoi que ce soit."
J'étais à peine couché qu'une gueulante sort du porte-voix de ma chambre :

- Commandant, il est là de retour !

J'enfile mes bottes (à la mer je couchais tout habillé sauf les bottes) et je monte.

- Où qu'il est ?

Je cherche, je cherche d'un bord comme d'un otte : pas pus de sous-marin que de beurre. Alors, j'ajoute à mes zordres pour que ce soit bien clair une fois pour toute :
"OBSERVATION IMPORTANTE : Quoi que ce soit c'est tout mais c'est pas rien".
Et je souligne.
Après le jus du matin et un coup de lambic pour décrasser, je monte sur le pont et cherche à repérer mes yaks et trouve plus que deux, mêm' en comptant de nouveau...Alors je pense : "Faut faire tout de suite un PV sinon çiçi on va me l'apostiller sur mon sac." et après réflexion en moi-même, je note sur le journal :

"PV DE PERTE : un voalier disparu sans raison valable malgré bonne surveillance. Il n'y a pas lieu à imputation."

Dans la journée, on continue de faire route à bonne allure sans péripéties avec les deux de reliquat et à la nuit je note sur le journal : "Mêmes consignes que la veille sauf à escorter deux voaliers au lieu de trois."
Je dormais sur un oeil comme il se doit quand on a la responsabilité, que j'entends:

- Y'en a un qui s'est envoyé en l'air !

Je monte en chaussons et je vois un voalier qui brûle sur l'eau à bonne distance sur le travers.

- Ça, dit JOB d'un air rusé, du coup c'est pas rien?

- Arme le canon, que j'y ai dit, j'ai idée que le sous-marin doit pas être loin et qu'on va causer avec.

- A droite toute ! je dis à l'homme de barre,

- Gouverne sur l'incendie !

Je siffle la machine et gueule (à cause du bruit):

- Pousser la chauffe !

Enfin :

- Tout le monde à son poste et à ouvrir l'oeil, la doub' à celui qui voit quéque chose.

Celui qui l'a gagnée la doub', et bien gagnée, c'est ZEF, un marin pêcheur dans le civil, pas très militaire mais doué pour la vue malgré qu'à l'observer de face son oeil droit regardait à gauche et le gauche à droite,

- Patron, qu'il a crié, vot'béluga il émerche à deux quarts bâbord.

Je pointe mes jumelles louches et c'était vrai, je perçois une ombre noire qui se détachait à peine prés du voalier en flammes.

- Là, que j'dis au canon, envoies-lui une ration pour apprendre à vifre.

- Mais, dit JOB, c'est qu'y a pas d'obus, sont tous en soute.

- Dégourdi fais vite en chercher un.

JOB fut long à remonter et y me dit pour s'excuser :

- On trouvait pas la clé de la soute. C'est FANCHE qui l'avait donnée à LOIC, le magasinier, qui l'avait planquée dans son pantalon du dimanche.

Pendant ces retardements, le sous-marin se rapprochait, avec un air de mine de rien, du dernier voalier et je gouvernais cap dessus pour lui couper la route.
- Qu'est-ce l'attends JOB pour tirer ?

- Vous z'avez pas dit de charger Commandant.

- Charge donc en vitesse.

- A poste ! qu'y me dit.

- Tu tires oui ou...

- Vous z'avez pas dit FEU, Commandant.

- FEU, nom de Dié.

Boum, le coup part et je pointe mes jumelles louches dans la direction ad hoc ; mais d'abord je ne vois rien à cause de la fumée, ensuite je perçois un'cherbe à droite du sous-marin et un peu en arrière,

- Vise deux doigts plus à gauche et une idée plus prés,
- Mais,
dit JOB, c'est que la munition est épuisée, vous avez dit de monter un obus, on a monté qu'un.

- Teso guinaouec ! je lui dis (que c'est une injure pas traduisible en société), Va vite chercher cor'un otte.

Enfin deuxième boum et mêm' après la fumée, je vois plus rien là où le sous-marin était avant. De deux choses l'une, je me dis en moi-mêm' : ou c'est qu'il a plongé, ou c'est qu'on a fait but, et je continue la route en avant demi.
En se rapprochant, on a distingué des points noirs sur l'eau, qu'on aurait dit des petites bêtes qui surnageaient. Arrivé à toucher on s'est aperçu que c'était des têtes d'Allemands, tout rasés qu'ils étaient, Avec des boutts, la gaffe et une chatte, on a repêché douze.

- Juste ce qu'il fallait, m'a dit JOB, pour qu'il nous fout'pas la tatouille.


Car douze qu'on était à bord, ç'aurait pas été très prudent qu'on en embarque davantache. La douzaine de chiens mouillés, on leur a donné, par fraternité des gens de mer, du vin chaud et rassemblés à coucher dans le poste avant.
Avec le seul voalier rescapé qu'avait repêché l'équipache de l'otte qu'avait brûlé, on est rentré en grand'rad', Aussitôt amarré en Penfeld, j'ai été rendre compte :

- Un seul voalier qu'on a ramené avec deux équipaches, un qu'a été torpillé, un otte qui s'est pointé disparu et on a coulé un sous-marin.

Le chef d'Etat-Major était pas content, rapport à la perte et il a marmonné :

- Coulé un sous-marin, coulé un sous-marin, tous les mêmes, c'est vite dit. Avez-vous vu la tache d'huile ?

Ça on pouvait pas dire honnêtement : j'avais pas la souvenance d'une tache d'huile et je suis rentré à bord me concerter avec JOB et lui dire que si on avait pas vu la tache d'huile, on avait pas coulé le sous-marin. Tout rouche qu'il est devenu et avalé sa chique :

- De l'huile y en avait pas, mais les douze rationnaires qui sont en bas et foutent la cambuse à cul, c'est pas des preuf'ça?

Alors, une idée à lui, on leur a capelé des effets de l'habillement et rassemblés en douce devant la Peu Meu.
Tellement bien alignés qui z'étaient, qu'on a bien vu que c'étaient pas des marins français et acceptés comme pièces à conviction.
L'Amiral, un grand sec pas causant à l'ordinaire était bien content et m'a dit :

- LEROUX, vot'histoire, c'est toute une odyssée et je vais vous proposer pour la Croix de Guerre.

Ensuite, y m'a invité à son déjeuner avec la Préfète et tout.
C'était bien honnête, mêm' qu'y avait du vin rouch' à discrétion.

 

 

 

LETTRE D'UN COMMANDANT ANGLAIS A SON ARMATEUR
(traduction libre du "folklore anglais")

Monsieur le Président,

C'est avec regret que je vous adresse en toute hâte cette lettre; regret qu'une si petite mésentente puisse conduire aux évènements dont je vais vous informer et hâte, afin que vous ne vous forgiez pas votre opinion à la lecture de la presse mondiale qui, j'en suis sûr, ne manquera pas de "surdramatiser" cette affaire.


Nous venions juste d'embarquer le pilote au moment où le jour se couchait et le novice était allé changer le pavillon "G" pour le pavillon "H". C'était son premier voyage et il avait des difficultés à plier le pavillon "G". J'ai donc entrepris de lui montrer comment faire. Au dernier moment je lui ai dit "let go", ce qui peut se traduire en français par "laisse aller !". Le jeune, plein de bonnes intentions, mais pas très doué m'obligea à répéter mon ordre sur ton plus élevé.


A ce moment le Second Capitaine sortait de la Chambre des Cartes où il était allé reporter la position du navire, et croyant qu'il s'agissait des ancres répéta le "let go", ce qui signifie également "mouille !", au 1er Lieutenant qui était sur le gaillard. L'ancre bâbord qui était parée pour le mouillage fut larguée aussitôt. Le fait de mouiller l'ancre alors que le navire était en avant toute de manœuvre fut trop important pour le frein du guindeau et toute la chaîne fut défilée jusqu'à l'étalingure. Je crains que les avaries au puits à chaîne ne soient importantes. L'effet de freinage dû à l'ancre bâbord, fit naturellement embarder le navire sur la gauche, droit sur un pont tournant qui enjambait un affluent de la rivière que nous remontions.


L'opérateur du pont fit preuve d'une grande présence d'esprit en ouvrant le pont pour laisser passer notre navire. Malheureusement, il oublia de stopper la circulation si bien que le pont ouvert à moitié déposa sur le gaillard d'avant une Volkswagen, deux cyclistes et une bétaillère. L'équipage est en ce moment occupé à récupérer le contenu de cette dernière qui d'après le bruit me semble être des porcs. Dans ses efforts pour stopper la progression du navire, le 1er Lieutenant mouilla l'ancre tribord, trop tard pour être d'une quelconque utilité car elle s'affala sur la cabine de contrôle du pont tournant.


Après que l'ancre bâbord fut mouillée et que le navire ait commencé à embarder, je fis "Arrière Toute" redoublée sur le chadburn et téléphonai à la Salle des Machines afin d'obtenir le maximum de puissance en arrière. Il me fut répondu que la température de l'eau était de 15°C et demandé s'il y avait un film ce soir: ma réponse n'apporterait rien de constructif au présent rapport.


Jusqu'à maintenant j'avais porté mon attention sur ce qui se passait à l'avant, mais à l'arrière, ils avaient également leurs propres problèmes. Au moment où l'ancre bâbord fut larguée, le 2ème Lieutenant s'apprêtait à passer la remorque au remorqueur arrière. La brusque embardée causée par l'ancre bâbord eut pour effet de faire passer le remorqueur sous les formes de l'arrière. La rapide réaction du 2ème Lieutenant qui fit tourner la remorque sur les bittes d'amarrage au moment ou la Machine se mit à battre en arrière retarda de quelques minutes le naufrage du remorqueur, permettant ainsi à son équipage de l'abandonner sans dommage.


De manière étrange, au moment même où l'ancre bâbord était mouillée, j'ai noté une panne de courant à terre. Le fait que nous passions à ce moment sur une "zone de câbles" me conduit à penser que nous pourrions avoir croché quelque chose dans le lit de la rivière. Il est en tout cas heureux que les câbles électriques que notre mât avant avait fait tomber, n'aient pas été alimentés car probablement remplacés par le câble immergé. Cependant, compte tenu de l'obscurité qui régnait à terre, il m'est impossible d'indiquer où le pylône est tombé.


J'ai toujours été étonné de la réaction des étrangers durant ces moments de crise mineure. Le Pilote, par exemple, est en ce moment recroquevillé dans un coin de ma cabine s'en prenant tantôt à lui-même, tantôt pleurant après avoir consommé une bouteille de gin dans un temps qui mériterait de figurer dans le livre Guinness des records. D'un autre côté, le Patron du remorqueur réagissait avec violence et dût être maîtrisé par le Maître d'Hôtel qui lui a passé les menottes avant de l'enfermer dans l'Hôpital d'où il me criait de faire des choses impossibles avec mon navire et mon équipage.


Vous trouverez ci-joint les noms, adresses et assurances des conducteurs des véhicules qui se trouvent sur l'avant que le 1er Lieutenant a récupérés après son évacuation quelque peu précipitée du gaillard. Ces renseignements vous permettront de porter plainte à leur encontre pour les dommages que ces véhicules ont occasionné aux batayoles de la Cale 1.

Je termine maintenant ce rapport préliminaire car j'éprouve des difficultés à me concentrer à cause du bruit des sirènes de police et la lumière de leurs gyrophares.

Il est cependant triste de constater que si le novice avait réalisé qu'il n'y avait pas besoin d'envoyer des pavillons une fois la nuit tombée, rien de tout ceci ne serait arrivé.

Pour le rapport hebdomadaire j'attribuerais à ces avaries les numéros T/12501 à T/12599 inclus.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à mes sentiments respectueux.



LONG-COURRIERS


Vous qui avez vécu sur tous les Océans
Qui rapprochent entre eux les peuples et les mondes
Eloignés, oh combien, par le temps et les ondes,
Sachez vous souvenir des beautés de céans ...

Vous qui avez vécu la froide solitude
Qu'être d'un fier vaisseau le seul maître après Dieu,
Le guidant nuit et jour, par tout temps, en tout lieu
Sans quêter pour autant la moindre gratitude...

Vous qui avez rêvé sous cette immensité
Vous coiffant à merci de beauté infinie
Où l'étoile a son nom, sa place définie
Par l'œuvre du Très-Haut dans sa diversité...

A genoux, long-courriers, bénissez cette chance
Qui sut vous révéler l'attrait d'un univers
Devenu peu à peu votre horizon ouvert
Sans limite jamais, à votre longue errance...

Vous qui avez vécu sur tous les Océans,
Goûtant du flot berceur l'infatigable houle,
Rivés à ce vaisseau qui partout tangue et roule,
Des peuples de la mer vous êtes les géants!..

 

Walter LILAMAND, Capitaine au Long Cours (1904-1993)

 


FEMMES DE MARINS


Je vous salue messieurs, et vous aussi mesdames
Ce n'est pas aujourd'hui vous faire trop d'honneur
Que de parler de vous, de vous mettre en valeur,
De n'être pas macho, et d'honorer nos femmes.

Vous avez épousé de jeunes officiers,
En quête d'avenir, amoureux de voyages,
Dont vous passiez le temps à faire les bagages,
Et que vous attendiez parfois des mois entiers.

Vous avez lessivé leur linge, leurs chemises,
Nettoyé, repassé les plis des pantalons,
Porté à dégraisser costumes et vestons,
En pleurant chaque fois qu'ils faisaient leurs valises.

Vous avez supporté des hommes fatigants,
Maris intermittents, et pères volatiles,
Qui rentraient au foyer en séjours versatiles,
En vous laissant le soin d'élever les enfants.

Des hommes qui souvent oubliaient votre fête,
Ou qui étaient absents à Pâques ou à Noël,
Qui passaient tout leur temps à ausculter le ciel,
Et puis s'en revenaient faire votre conquête.

Depuis qu'ils vous ont mis un jour la bague au doigt,
Vous avez assuré les charges du ménage;
Vous l'avez toujours fait, avec force et courage:
Si nous sommes ici, c' est à vous qu'on le doit.

Mesdames vos maris n'ont jamais été lâches.
Le proverbe qui dit qu'au fond de chaque port,
Le marin trouve femme, a profondément tort:
La seule que l'on aime, est bien au port d'attache.

Vous avez épousé de jeunes lieutenants,
Qui sont au fil du temps, devenus capitaines;
L'âge et les promotions ont enflé leurs bedaines
Et beaucoup parmi eux, ont fini commandants.

Puis, à cinquante cinq ans, cet âge fatidique
Où le marin lassé, va toucher sa pension,
Vous avez éprouvé la sournoise tension
De celle dont on va déranger la boutique.

Car vous avez compris qu'à partir de ce jour,
Il fallait partager mille petites choses:
Des épines parfois, et quelquefois des roses
Des misères, des joies, mais aussi de l'amour.

L'amour qui maintenant, est devenu tendresse,
Qui fait d'un vieux grigou, un homme généreux,
Qui fait qu'auprès de vous, vos maris sont heureux,
Vous leur manifestez tant de délicatesse.

Votre grande bonté est partout reconnue:
Barbara nous chantait dans un de ses refrains:
"Je n'ai pas la vertu des femmes de marin"
C'est vous dire combien le monde vous salue.

Et c'est bien qu'en ce jour, il vous soit fait honneur;
Vous femmes de marins, il faut qu'on vous honore
Que l'on vous congratule, et que l'on vous décore...
Car de vos chers maris, vous faites le bonheur.




avec l'aimable autorisation de l'auteur, le Commandant Jean DI FUSCO


NOUS, FEMMES DE MARINS...

 

Si Paimpol nous était conté,
On pourrait longtemps épiloguer.
Pierre Loti a parlé des pêcheurs d'Islande,
On pourrait parler de la Marine Marchande.
De l'école d'hydro notamment,
Où l'on bûchait dur vraiment.
Elle était au bout du quai cette école,
Elle avait un très grand rôle:
Celle de former des officiers,
Pour, sur les grandes mers, naviguer.
Vous veniez de toute la France, on vous appelait les "Candidats"
Vous aviez beaucoup de chance, tout le monde vous adopta.
Dans la région vous étiez aimés, car c'était un grand vivier,
Pour les jeunes filles à marier,
D'ailleurs beaucoup ont succombé.
Vous êtes-vous fait canapéïser?
Vous seul pouvez en parler.
C'est un secret d'alcôve, je pense
Donc, chut "secret défense"
Car elles étaient belles les paimpolaises,
Les fleurs de la falaise.
Botrel avait surement raison,
Il en a parlé avec passion.
Ceux qui ont essaimé ailleurs,
Ont butiné d'autres fleurs.
Car elles avaient aussi des minois jolis,
Les jeunes filles, qui n'étaient pas d'ici.
Votre promise vous a épousé,
Mais vous aviez une fiancée,
La mer était votre vocation
Vous l'aimiez plus que de raison.
Vous y avez roulé votre bosse
Mais nous ne roulions pas carosses.
Nous avions la charge du foyer
Et les enfants à élever.
Mais qu'importe cette vie là
Les retrouvailles effaçaient cela.
Nous vivions une lune de miel,
Nous étions au septième ciel.
Elle est derrière nous cette vie,
Mais n'ayons pas de nostalgie.
Accrochons-nous à nos souvenirs,
Et aux années à venir.
La Marine va à vau-l'eau,
Espérons qu'il y ait un sursaut.
Pour que les jeunes puissent embrasser
Comme, vous l'avez fait, ce beau métier.
Quelle chaleur dans nos coeurs aujourd'hui,
D'être tous ici réunis.
Vive la famille de la mer
J'en fait partie et j'en suis fière.

Avec l'aimable autorisation de son auteur Malise RENARD

 

 

 

 

à l'occasion du Congrès 2011 à Paimpol, un autre beau petit texte de Malise RENARD:

LA GRANDE FAMILLE DE LA MER

La Paimpolaise, chanson de Botrel,
Que nous chantonnons, qui interpelle,
Sa falaise, ses genêts et ses landes,
La pêche à Terre-Neuve et en Islande,
Fait la renommée, c'est le symbole,
De ce très bel écrin qu'est Paimpol.
Vous êtes là à nouveau réunis,
Comme il y a onze ans aujourd'hui,
Dans cette belle cité des Islandais,
Qui accueille à nouveau votre congrès,
Dont Loti a loué les pêcheurs,
Ces hommes courageux et pleins d'ardeur.
Etes-vous venus en pélerinage ?
Où découvrez-vous les paysages ?
Quoi qu'il en soit ouvrez vos mirettes,
N'en perdez surtout pas une seule miette,
Votre président vous a concocté,
Un super programme riche et varié.
Vous vous êtes mis sur votre trente et un,
Vous êtes pétillants et pleins d'entrain.
La femme de votre vie, votre compagne,
Est à votre bras, vous accompagne,
Elle va une fois de plus, sagement,
Vous écoutez raconter comment,
Avec vos amis, vos copains, vos frères,
L'aventure fût extraordinaire.
Pendant ces deux jours de retrouvailles,
Où ensemble nous allons faire ripaille,
Vous allez puiser dans vos mémoires,
Toutes les anecdotes, toutes les histoires,
Qui ont émaillé toute votre vie,
Qui vous ont à petits pas construit,
Faire une cure de rajeunissement,
Qui vaut tous les remèdes, les onguents.
C1 et Capitaines au long cours,
Ensemble faisons un compte à rebours,
En soulignant les principaux points,
Qui pour moi seront brefs et succincts,
Pour que vous puissiez à votre table,
Conter vos belles années mémorables,
Car lorsqu'on se retrouve en famille,
Les souvenirs du passé fourmillent.
Vous souvenez-vous, c'était hier,
Vous étiez jeunes, beaux et pas peu fiers,
Vous quittiez le cocon familial,
Pour vous aguerrir, c'est la normale
Vous prépariez déjà votre destin.
Soit à Kersa ou bien aux Rimains,
Ces écoles qui prenaient bien en mains,
Tous les jeunes qui voulaient être marins,
Qui allaient au final composer,
L'élite des Cl et CLC.
Il vous était dispensé des cours
Afin de réussir votre concours.
Car vous n'étiez encore que potaches,
L'Hydro par son phare et son panache,
Vous subjugua, vous adolescents,
Votre choix en fût prépondérant.
Vous avez dû choisir votre école,
D'ici de là ou bien de Paimpol,
Du Havre, Paris, Nantes ou Marseille,
Pour faire que votre vie s'éveille,
Sur vos projets, votre vocation,
Sur cette marine de charme, d'évasion.
Vous avez travaillé âprement,
Sans jamais perdre de vue cependant,
Les demoiselles bien intentionnées,
Qui vous attendaient pour les marier.
Les bals des candidats, des pilots,
Etaient des raouts de haut niveau,
Qui permettaient de faire connaissance,
En toute courtoisie et bienséance,
Ainsi que les bals du samedi soir,
Donnant à chacune l'intime espoir,
De séduire le jeune homme avec qui,
Elle pourrait convoler, faire sa vie,
Sans oublier les endroits secrets,
Où se croisaient des regards discrets,
Provoquant coup de foudre et orage,
Menant souvent jusqu'au mariage.
Vous aviez su vous faire adopter,
Vous candidats, futurs officiers.
C'est avec une certaine nostalgie,
Que l'on parle de ce temps aujourd'hui,
C'était la joie, les années bonheur,
La jeunesse, la vie et leurs saveurs.
Etudes finies, examen en poche,
Il vous a fallu faire vos valoches,
Vous envoler vers votre destinée,
En demandant à votre bien aimée,
D'attendre patiemment la nuit, le jour,
L'instant béni de votre retour.
Soit au cabotage ou au long cours
Vous partiez pour des mois, pour des jours.
Par courage et détermination,
Vous allez gravir des échelons.
Aux fonctions suprêmes vous accédez,
Portées sur vos épaules carrées:
Celles de commandant d'usine flottante,
Dirigée de manière compétente.
Ce bel idéal, cette grande mission,
Pour ce métier, sa fascination,
Vous vous y êtes donnés corps et âme,
Car vous étiez toujours sous le charme,
De cette grande bleue et de ses mystères,
Qui vous a forgé le caractère,
Ainsi que pour ces hommes, ces marins,
Qui ont mis leur vie entre vos mains.
Nous femmes, comme Pénélope, attendions,
Sagement notre Ulysse vagabond.
Nous avions un grand rôle à jouer,
Pour la stabilité du foyer,
Nos épaules étaient bien moins carrées,
Non moindres nos responsabilités.
Certains ont choisi d'autres sillages,
Finis les remous et les tangages;
Pour des raisons diverses et variées,
La marine marchande ils ont quittée,
Ils sont tous là, ils se reconnaissent,
Ils sont tous présents pour la grand'messe,
Votre communion n'est pas un hasard,
Car vous êtes tous riches d'un quelque part,
D'un lieu qu'antan vous avez connu,
Que vous avez couru, parcouru.
Vous n'avez jamais tourné la page,
Et avez conservé des images,
Des visages, noms et prénoms gravés,
Peut-être des surnoms non oubliés,
Et tous vos profs entre parenthèse,
Sur lesquels vous pourriez faire une thèse.
C'est la jeunesse, ce sont les amis,
Qu'aujourd'hui vous retrouvez ici.
Des amitiés vraies et indestructibles,
Et qui constituent un équilibre.
L'amitié est une chaîne sans fin,
Qui vous relie d'hier à demain.
Car le passé n'est jamais absent,
Les années passent, il est toujours présent,
Logé au fond de votre mémoire,
Toujours prêt à sortir du nichoir.
A très bientôt pour une autre étape,
D'autres plaisirs et d'autres agapes…

MALISE RENARD

 

 

 

 

LE QUARANTIÈME ANNIVERSAIRE DE L'AMICALE

A mon vieux camarade VAN DER KEMP, Président d'honneur de notre Amicale... Ces quelques vers, comme autrefois.


La muse qui, jadis, m'accusa de transfuge
Et d'avoir lâchement, pris quelque vermifuge,
Accourt à mon appel de revenir céans
Pour fêter avec nous, ce jour, les quarante ans
Du vaisseau baptisé: La frégate AMICALE ...

Elle y veillait toujours l'étalingure de cale
Quand l'un de nous filait sa chaîne par le bout,
C'est alors qu'en comptant ceux qui restent debout
Depuis l'appareillage -encore une dizaine-
Apparut VAN der KEMP son premier capitaine
Bellement affourché sur ces confins d'Armor
Où le flot vient mourir aux pieds des ajoncs d'or...

Il avait tant voulu réaliser de rêve:
Voir une ultime fois, avant que tout s'achève,
Ce qui, dans son passé, lui demeurait si cher:
Le large et le soleil se coucher sur la Mer…

Qu'il reçoive aujourd'hui l'affectueux hommage
Et les voeux amicaux de tout son équipage!


V. LE TOUMELIN Déjeuner du 8 octobre I960

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fin d'Année

Cette année deux mille onze est prête à nous quitter,
Une année qui s'en va, une autre prend sa place,
Et l'on voit, impuissants, devant le temps qui passe,
La facture des ans que l'on doit acquitter.

Mais bien qu'il faille hélas, se rendre à l'évidence,
Ce n'est pas pour autant qu'il faut désespérer.
Il nous faut entreprendre, il faut persévérer,
Nous avons devant nous, un horizon immense.

Nous avons exercé des métiers passionnants,
Qui nous ont emmené vers des terres lointaines,
Des pays merveilleux, des contrées incertaines,
Qu'on découvrait avec nos yeux d'adolescents.

Nous avons tous connu, au cours de nos carrières,
Des jours de mauvais temps, et puis de bons moments
Des moments de plaisir... et des emmerdements,
Rempli de souvenirs des armoires entières.

Les principaux soucis qui ont été les nôtres,
Que l'on a affrontés, surmontés bien souvent,
C'est d'avoir côtoyé des navires, des gens,
D'avoir conduit les uns, et commandé les autres.

C'est tout à notre honneur, et c'est notre fierté;
Que l'on soit commandant, ou que l'on soit pilote,
Ingénieur ou expert, directeur d'une flotte,
Cadre supérieur dans une société.

Nous avons eu surtout à diriger des hommes,
A les guider parfois, les protéger souvent,
Sentir de quel côté pouvait venir le vent,
Gérer, compter, prévoir, à gouverner en somme.

Nous l'avons toujours fait, en toute honnêteté,
Apportant chaque fois tout notre savoir faire,
Pour accomplir au mieux, quelle que soit l'affaire,
Les tâches confiées à notre habileté.

Puis un jour, à regret, on a pris la retraite.
Je dis bien: "à regret", car on se sent vaillant,
Et beaucoup d'entre nous poursuivent hardiment:
Ils ont plein de projets qui trottent dans leur tête.

Pas les mêmes bien sûr qu'ils avaient jusque là,
Mais des projets sérieux, qui laissent leur empreinte,
Qui occupent leur temps, sans aucune contrainte,
Et sans l'obligation d'avoir un résultat.

Cultiver le jardin, ou l'art d'être grand père,
Mettre l'expérience acquise au fil des ans,
Au service de ceux qui jouent les remplaçants,
Savoir rester utile, ambitieux, exemplaire...

C'est le comportement auquel je vous convie,
Alors que cette année morose va finir;
Avec un oeil tout neuf regardons l'avenir
Car quel que soit notre âge... Elle est belle la vie!

Jean di Fusco

 

 

 

 

 

 

                                AMBIANCE PORTUAIRE

                        J’aime sentir les ports à mon retour du large
                        Voir leurs feux émerger au bord de l’horizon
                        Aborder leurs chenaux sur mon vaisseau en charge
                        Et franchir leurs jetées me donne le frisson

                        Le frisson de la nuit et de ses silhouettes,
                        Des bateaux endormis contre le flanc des quais
                        Ecouter au lointain les marins en goguette
                        Chanter « a capella » en sortant des cafés

                        Apprécier le passage de la première aussière
                        Et la laisser filer au canot lamaneur
                        Entendre nous crier « elle est capelée à terre »
                        Virer, douc’ment virer et accoster sans heurt

                        Humer les eaux brassées par les remous d’hélice
                        Respirer sans nausée leur amère senteur
                        Attendre patiemment que d’autres parfums glissent
                        Hors des grands entrepôts leurs subtiles vapeurs

                        Contre le flanc rouillé affaler la coupée
                        Voir le flot des dockers inonder tous les ponts
                        Enfin ouvrir les cales soigneusement chargées
                        De sucre, de café, de poivre et de coton.

 

                                                                                   JF Masson
                                                                                                              Déc.2011


  

 

 

                     

                        LE BISTRO DES MATELOTS


                        A l’abri du tumulte des flots
                        Fourbus de leurs très longs voyages
                        Ils envahissent le bistro
                        Ivres dans un joyeux tapage

                        Zappés les grands roulis d’Ouessant
                        Et les quarts glacés dans la brume
                        Ils lèvent leur verre en chantant
                        Pas de cafard, pas d’amertume

                        Ils ont amarré leurs cargos
                        Et ce soir ils font la bringue
                        Qu’ils viennent d’Hambourg ou de Rio
                        L’ambiance chauffe autour du zinc

                        Sur des airs entêtants de samba
                        Les couples titubant s’enlacent
                        Et les volutes du tabac
                        Flottent et dérivent dans l’espace

                        C’est le bistro à matelots
                        A l’intérieur y a pas d’hiver
                        Les filles y donnent du repos
                        Elles font oublier la mer

                        Seuls sont durs les petits matins
                        Quand l’aube jette sa lueur pâle
                        Il est long, très long, le chemin
                        Qui mène à la fin de l’escale

 

                                                           JF Masson
                                                             01/12/2011


                       
    


 

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