ASSOCIATION des CAPITAINES au LONG COURS et CAPITAINES de 1ère classe

 

Bulletin N°98 (août-septembre-octobre 2011)

 

                                                     E  D  I  T  O  R  I  A  L

Notre association a vécu un "Eté meurtrier". En effet nous avons à déplorer le décès de onze de nos adhérents, dix membres actifs et un membre associé. J'exprime à nouveau à toutes les familles éprouvées notre plus grande sympathie en ces douloureux moments et les assure que nous partageons leur peine.  Parmi ces disparus deux grandes figures de l'association, Albert ABELANET et Jean DERVOUT. Vous trouverez à la suite de cet éditorial les hommages rendus lors de leurs obsèques par Pierre-Jean LE TALLEC pour Albert et Jacques LESTEVEN pour Jean.

Je tiens à assurer de notre soutien moral ceux de nos collègues qui, comme Pierre MACE, René PREA et Jacques SCHIRMANN, se battent pour faire cesser l'injustice flagrante de la non bonification pour les marins de leur temps de services militaires durant la guerre d'Algérie. Il semble que les ministères se renvoient la balle en espérant que le temps passant le dossier sera résolu  par la disparition des intéressés. Cette gouvernance n'est pas à la gloire de nos hommes politiques.

J'évoquais dans mon éditorial du numéro 97 l'accident qui a coûté la vie à deux officiers d'un porte-conteneurs de la CMA-CGM. Le rapport parfaitement clair du BEA Mer sur cet évènement est sorti fin juillet 2011 et conclut à un défaut technique doublé d'un défaut de conception du système d'amenage des embarcations de cette série de navires. La sécurité peut donc tuer! Le BEA Mer a émis des recommandations draconiennes concernant les procédures à respecter durant les exercices d'embarcations que la CMA-CGM a immédiatement mises en application.

Non seulement notre enseignement maritime s'oriente vers la formation d'ingénieurs plutôt que d'officiers de la marine marchande mais de plus  il semble que les passerelles entre "filière B" et "filière A" soient supprimées comme l'a laissé entendre un membre de la direction de l'ENSM lors d'une visite aux élèves de l'un des établissements. La grande tradition de promotion sociale dont la Marine marchande était, à juste titre, très fière serait donc sacrifiée.

L'avenir de Seafrance est de plus en plus sombre. Au vu des évènements de l'été la mise en faillite apparaît comme très probable. Lorsque ce bulletin paraîtra le couperet sera peut être tombé. Nous
pensons au millier de salariés dont l'emploi est en jeu.

Le ciel s'assombrit notablement pour les armateurs avec la reprise de la crise financière qui, pesant gravement sur l'économie mondiale, entraîne un ralentissement sensible des échanges commerciaux. Espérons que les opérateurs français traversent cette nouvelle perturbation sans trop de dommages.

Malgré ces nouvelles peu réjouissantes je vous souhaite une bonne rentrée en faisant un appel aux bonnes volontés pour prendre la présidence de nos sections de Flandres-Artois dont le président a démissionné, du Finistère et du Languedoc-Roussillon suite à "l'appareillage" de leurs présidents.

                                                                                          Bernard DATCHARRY                                                                                                                                                      

 

Albert ABELANET:   1926-2011

Lorsque nous nous sommes connus, il y a près de cinquante ans, nous commandions des navires de commerce et c'est l'Association des Capitaines au Long Cours qui nous a faits nous rencontrer occasionnellement.
Après avoir définitivement mis sac à terre, nos rencontres sont devenues plus fréquentes, d'autant plus que nous nous retrouvions assez régulièrement dans plusieurs associations dont nous étions membres et nos liens se sont transformés en une amitié profonde.
Mon ami BEPS...c'est ainsi que l'appelaient ses amis familiers le connaissant depuis longtemps, tandis que pour les amis plus récents, c'était Albert, pour ceux qui l'avaient connu en activité, c'était Commandant, pour ceux qui le connaissaient par son passé, les conférences qu'il donnait ou autres activités c'était Commandant Abelanet et enfin pour ceux qui, de lui, ne connaissaient que le nom, c'était Monsieur Abelanet, ....était un homme très avenant, toujours souriant, plein d'humour, toujours prêt à rendre service.
Lorsque je l'appelais au téléphone, dès qu'il avait reconnu ma voix, avant même que je lui dise ce qui motivait mon appel, il me demandait : "Qu'est ce que je peux faire pour toi ? " Cette phrase le décrit bien ! Très généreux il aimait davantage donner que recevoir, aussi c'est tout naturellement qu'il s'est beaucoup investi dans la vie associative. Il était :
-  Président de la section régionale de 1" Association des Capitaines au Long Cours et Capitaines de lère classe de la Marine Marchande",
- Trésorier de la section régionale de la "Fédération Nationale du Mérite Maritime et de la Médaille d'Honneur des Marins"
- Trésorier de T'Association pour la sauvegarde du patrimoine maritime de Sète et de sa région"
- Membre de  l'association  "Les Amis  des Marins",  association qui  gère le "Seamen's Club de Sète" (Foyer du Marin)
-  Membre de l'Association Française des Capitaines de Navires, (AFCAN)
-  Membre de l'Association des Officiers de Réserve de la Marine, (ACORAM)
-  Membre de 1'Institut Français de la Mer, (IFM)
-  Membre de l'Association Méditerranéenne des Amis des Paquebots, (AMAP)
- Président d'honneur de l'association Jeune Marine après en avoir été longtemps président
-  Membre de l'Association Agathoise l' Escolo dai Sarret qui a créé le Musée de la Mer d'Agde ...
et j'en oublie peut-être !
C'était un homme d'une grande culture, il voulait toujours apprendre davantage dans tous les domaines et il aimait partager ses connaissances.
Au cours du temps passé en mer, lors des escales dans de nombreux pays et avec des gens de différentes nationalités, il avait été amené à utiliser plusieurs langues qu'il maîtrisait bien dont l'anglais et l'espagnol, mais également le grec et l'allemand et il pouvait aussi se faire comprendre avec des rudiments de bien d'autres langues.
C'était un passionné de la mer et de tout ce qui pouvait concerner la mer. Cette passion l'avait conduit à faire des recherches et relater par écrit des faits ou événements se rapportant à la mer. Je l'ai vu lire, rédigé dans la langue de Goethe, un épais volume se rapportant au naufrage d'un paquebot allemand en Mer Baltique pendant la guerre 39/45, pour en tirer un résumé qui a ensuite fait l'objet d'une conférence. Il  avait constitué ainsi toute une série de conférences portant sur des sujets très divers, mais toujours liés à la mer, conférences qu'il donnait principalement et régulièrement dans la région mais aussi en dehors de la région.
Il a également rédigé une étude très documentée et approfondie sur la disparition du "Pourquoi Pas" du Docteur Charcot, étude qui fait autorité sur ce sujet.
Mais il avait plusieurs cordes à son arc : s'il écrivait, il peignait également, s'étant spécialisé dans la peinture de voiliers et ses œuvres trouvaient souvent des amateurs les appréciant .
Ce n'était pas qu'un intellectuel., c'était aussi un manuel.
Il était incollable sur la marine à voile : les différents types de voiliers, d'accastillage et de gréement n'avaient pas de secrets pour lui et s'il pouvait vous expliquer le rôle de chaque élément, il savait également le mettre en place sur le voilier. Il possédait un petit voilier dans l'Hérault au Grau d'Agde dont il assurait lui-même l'entretien.
II avait des racines paysannes et avait une bonne connaissance du monde rural et des pratiques agricoles. Il pouvait vous parler des différents variétés de cépages de vigne, de leurs caractéristiques respectives, aussi bien que de la taille des arbres fruitiers ou de la culture des légumes...
Il aimait retrouver sa propriété de Lugné, y respirer l'air de la campagne, au milieu de ses vignes et de ses oliviers et faire un petit signe d'amitié à la réplique de la Statue de la Liberté qu'il avait ramenée des Etats-Unis et fait don au village. Jusqu'à une époque récente, il nous a paru aussi solide qu'un chêne. Et puis, il y a quelques semaines, il s'est affaibli et la suite a été très rapide !
Il a eu une vie bien remplie, mais il est parti alors que nous avions encore tant besoin de lui ! Nous sommes bien   conscients qu'il est irremplaçable et il nous manquera toujours !
Il nous quitte certes, mais pour nous, ce n'est pas pour aller rejoindre le "quai de l'oubli" ; dans nos cœurs et dans nos esprits, il est et sera toujours solidement amarré au "quai d'honneur".

 

Jean DERVOUT: 1923-2011

Jean DERVOUT originaire de Névez, né le 24 02 1923, faisait partie d'une famille connue des gens de mer. Son père possède un sablier et fait commerce de sable. Orphelin très tôt, il aide sa mère dans ce travail. A onze ans il rentre au collège du Kreisker à St Pol,  fait ses études secondaires et passe son bac.
Il entre à l'école d'hydrographie de Paimpol. La guerre délocalise l'école sur Casablanca. Après un temps de navigation il obtient son diplôme de Capitaine Marine Marchande. Il passe par la suite son brevet de Capitaine au long cours.
Il rentre à la Compagnie d'Orbigny où il fait carrière. Lieutenant sur le Liberty ship LYON,  l'état français réquisitionne le navire pour faire le transport de troupes sur l'Indochine.
Jeune commandant il navigue sur le Vierzon, le Chalon et d'autres bateaux puis sur le LUCHON "son navire" ; n'étant pas marié ce bateau remplaça sa famille. Il le commande fermement; il avait toujours une pensée amicale pour son équipage. Dans les réunions au "chalet suisse" 1'équipage 1'appelait "Tonton Jean" Sa volonté était  d'aider les jeunes à apprendre et aimer le métier de marin.
Jean passe plusieurs années à sillonner les côtes de l'Amérique du Sud. Il termine sa carrière sur LA BEGUDE, un  grumier (navire spécialisé pour le transport des troncs d'arbres) dont il surveille les transformations en 1975 au chantier naval d'Onomichi au Japon. Il en prend le commandement sur la ligne Moyen Orient/Extrême Orient.
A son départ en retraite,  il  est envoyé en mission à Singapour,  comme Capitaine expert pour le transport de bois. Il s'occupe également de transport de sable; le nouvel état de Singapour en avait besoin pour construire des pistes d'aviation gagnées sur la mer.
De retour en France, Jean s 'installe à Pont Aven dans la maison familiale au 35 rue Emile Bernard où il avait vécu avec sa mère et son frère, mort à l'âge de 18 ans. Il se rend fréquemment à Paris et voyage en Espagne avec son camping-car, aidant les pèlerins sur les chemins de Compostelle.
Il prend la Présidence de 1'Association des Capitaine au long cours et Capitaine de première classe du Finistère au décès du Commandant Richard et il le restera jusqu'à son décès.
Officier du Mérite Maritime, il est membre de 1' AFCAN et de l'Association du mémorial international de la bataille de l'Atlantique.
Très bon commandant, aimant et fier de son métier, expérimenté et clairvoyant. Apprécié de son équipage mais aussi apprécié des services commerciaux et des chargeurs pour son professionnalisme.   C'était un homme cultivé,  bon vivant, poussant la chansonnette avec des chants de marins ou des cantiques bretons.

Bien souvent il nous parlait de finir sa vie dans un couvent, il n' en fit rien,  mais  il  participa  à  des  cercles  discutant  de  théologie  et  de philosophie.

Atteint par la maladie en juin 2009, il s'est battu avec courage, sans jamais se plaindre. La maladie a eu le dessus le samedi 16 juillet 2011  et il nous a quitté.

Il restera longtemps dans nos coeurs.

 

 

 

 

            

 


 
 
 
Bernard DATCHARRY